« Les technologies de l’hydrogène au CEA » (2012)

Le Commissariat à l’Energie Atomique a publié en mai 2012 un dossier de presse présentant les technologies de l’hydrogène recherchées par cet organisme nommé « Les technologies de l’hydrogène au CEA« .

Je vous en fais ici une courte synthèse.

Production d’hydrogène

A l’époque, la France consommait 900 000 tonnes d’hydrogène, principalement pour la chimie et le raffinage, essentiellement produit par vaporéformage du méthane, dont le cout avoisinait les 1,5 €/kg d’H2 à la production et qui libère environ 10kg de CO2 par kg d’hydrogène produit. Les procédés bas carbone résultent de « la décomposition de la biomasse ou de l’eau ». Le CEA n’étudiait pas la première (ils font sans doute référence à la pyrogazéification ?) car « celle-ci est prioritairement dédiée à la production de biocarburants ». Ils se concentraient sur l’électrolyse.

Les émissions de celle-ci dépend de l’origine de l’électricité utilisée. Ainsi, par kg d’H2 produit, les émissions de CO2 sont de 20kg avec le mix européen, 5kg avec le mix français et 0.3kg avec une énergie d’origine 100% nucléaire et renouvelable. Elle coutait entre 5 et 30€/kg H2 produit. Son prix aurait pu descendre à 3€/kgH2 avec des économies d’échelle importantes et une électricité à 40€/MWh.

Ils annoncent l’arrêt d’une technologies d’électrolyse, celle des « cycles thermochimiques » (aujourd’hui abandonnée par un peu tout le monde).

L’institut privilégie l’électrolyse haute température, fonctionnant entre 700 et 800°C (mais n’ayant besoin que de monter initialement à 200°C, la réaction étant exothermique), estimant pouvoir atteindre un rendement de 3kWh pour 90g H2, contre 5kWh pour les électrolyseurs classiques équivalents (PEM et alcaline), sachant que l’électricité représenterait 80% de ce cout. Ils avaient déjà réussi à mettre au point en 2011 un prototype avec un rendement de 77% à 700°C et un taux de dégradation de 2% pour 1000 heures. Cette technologie a été prouvée en 2021 et est en cours d’industrialisation par Genvia.

Le CEA serait partenaire du projet PUSHY, piloté par McPhy, couplant de l’électrolyse avec des centrales de micro-hydraulique. L’objectif était de « capter des marchés solvables pour l’hydrogène vert, à un tarif compétitif, ce qui permettra de déployer sur le territoire un premier maillage d’infrastructures hydrogène rentables. »

Enfin, ils explorent l’idée de combiner CO2 et hydrogène pour créer des hydrocarbures. Ce serait « particulièrement intéressant dans le cas où l’on dispose de l’électrolyse à haute température ».

L’hydrogène comme carburant

Le CEA travaille également sur les piles à combustibles (PAC, ou Fuel Cell, FC). Elle privilégie les piles à membranes échangeuses de protons (Proton exchange membrane fuel cell, PEMFC) et les piles à oxydes solides (Solid oxide fuel cell, SOFC). Les premières sont utilisées dans la mobilité hydrogène et les seconds seraient plus intéressantes « pour les applications stationnaires de cogénération ».

Il y aurait plusieurs exemples montrant que les PAC pourraient être concurrencielles sur des marchés de niche:

  • L’alimentation des zones non raccordées à un réseau électrique, ce que propose Axane, une filiale d’Air Liquide à destination des relais télécoms isolés.
  • Le programme ENE-FARM au Japon, qui consiste à installer 70 000 micro-unités de cogénérations.
  • Hypulsion, coentreprise entre Air Liquide et Plug Power, cible le marché des chariots élévateurs, pour lesquels « l’utilisation de piles à combustible est concurrentielle par rapport aux batteries électriques »

Usages mobilité : les piles à membrane échangeuse de proton (PEMFC)

Le CEA a travaillé avec PSA Peugeot Citroën, aboutissant en 2009 à un prototype de voiture à hydrogène FISYPAC (« 307 Epure »). La PAC développée par le CEA aurait été très compacte (1.4kW/kg et 2.1kW/L). Les batteries sont importantes pour ces applications de transport, les variations d’intensité trop fortes, notamment au démarrage, réduisant leur durabilité. Les axes d’amélioration des PEMFC sont:

  • L’optimisation des assemblages membrane-électrodes (AME). Le platine des catalyseurs représenterait 25% du prix de la PAC, l’un des enjeux est donc d’obtenir les mêmes performances avec moins de ce métal. La membrane est actuellement réalisée en Nafion, qui ne supporte pas les températures supérieures à 80°C, or aller au delà pourrait améliorer les performances. Les chercheurs travaillent donc sur des membranes tolérant des températures plus élevés.
  • Diminution du volume des plaques bipolaires
  • La modélisation / simulation de la pile en condition réelles d’utilisation

Usages stationnaires : les piles à oxyde (SOFC)

Les SOFC ont la particularité d’avoir des rendements et des températures relativement élevés. Elles pourraient même utiliser directement des gaz de synthèse (normalement, on y ajoute des opérations de Water-gas-shift et purification pour le transformer en hydrogène pur utilisable). Les progrès visent essentiellement deux axes :

  • Limiter le coût et la dégradation des SOFC
  • Permettre l’alimentation de la pile avec des gaz variés (gaz naturel ou gaz issu de la biomasse)

Le stockage d’hydrogène

Le problème avec le stockage d’hydrogène est sa densité: à « 1 bar, 20°C, l’hydrogène occupe un volume de 333 litres/kWh et, dans les mêmes conditions, l’essence occupe 0,1 litre/kWh. »

Le stockage stationnaire : les hydrures

Pour le stockage stationnaire, le CEA favorise les hydrures métalliques, qui peuvent se charger et décharger d’hydrogène de manière réversible, commedes batteries. La densidé serait de 0.25l/kWh. L’absorption libère de la chaleur et la désorption en demande. Le CEA travaille avec McPhy sur le sujet. Ils ont testé des hydrures de magnésium réagissant « avec l’hydrogène à un peu plus de 300°C pour une pression de 10 bars » et réussi, avec un rendement de 97%.

Le stockage mobile

Le problème des hydrures est leur poids. Toutefois, elles peuvent aussi être utilisé lorsque ce n’est pas un critère rhédibitoire, comme pour les engins agricoles ou les bâteaux. Leur tepmpérature de fonctionnement est moins élevée, devant être compatibles avec les PEMFC. Un prototype de réservoir contenant ~2kg d’H2 a été testé en 2011 pour les tracteurs.

Le stockage sous forme de gaz sous presion est une voie mature. Le CEA a développé des réservoirs hyperbare pouvant résister à une pression de 700 bars en conservant une durée de vie supérieure à 15 000 cycles de remplissages, son étanchéité et sa résistance. « Avec cette technologie, l’hydrogène occupe un volume de 0,47 litre/kWh. »

Le stockage liquide est attractif, pouvant atteindre une densité de 0,38 litre/kWh, mais pose des problèmes importants : « la liquéfaction est très gourmande en énergie et la sécurité des réservoirs est plus difficile à assurer (phénomène de boil-off2 et fragilité des réservoirs). »