Stocker l’hydrogène sous forme … de pâte ? La « powerpaste ».

Un institut de recherche allemand, l’IFAM, a élaboré un moyen de stockage de l’hydrogène sous forme de pâte stable à température ambiante et avec une densité énergétique importante: la Powerpaste.


On parle souvent d’économie hydrogène: ce gaz viendrait remplacer le pétrole et être utilisé massivement comme carburant. Cette idée, qui a plusieurs dizaines d’années, est néanmoins confrontée à plusieurs difficultés, dont la principale est sans doute la difficulté de stockage.

Le dihydrogène est en effet un gaz qui, dans des conditions normales, est très diffus (0.089g/L) et difficile à maintenir : la molécule est minuscule et passe à travers l’acier ! Il faut en général le liquéfier ou le comprimer à 350-700 bars, ce qui demande une énergie considérable.

Un institut de recherche allemand, l’IFAM (Fraunhofer Institute for Manufacturing Technology and Advanced Materials) a récemment fait une découverte qui pourrait marquer le domaine.

Une pâte pour stocker l’hydrogène

L’une des pistes pour résoudre le problème du stockage de l’hydrogène sont les hydrures métalliques: des solides qui pourraient absorber puis rejeter de l’hydrogène selon le changement de pression et/ou de température.

Hydrures de magnésium et eau

La grande question de cette technologie est quels atomes utiliser. On peut utiliser du sodium, du fer, du titane et bien d’autres atomes. Toutefois, c’est le magnésium qui semble le plus prometteur, ce que démontre encore son utilisation dans la Powerpaste.

En effet, il peut être utilisé « seul » et réagit dans des conditions peu extrêmes, étant courant et bon marché. La technologie de stockage solide d’hydrogène développée par McPhy se base d’ailleurs sur ces hydrures de magnésium. La réaction de libération de l’hydrogène serait la suivante :

MgH2 + 2 H2O → 2 H2 + Mg(OH)2

Une nouvelle méthode

Cette réaction aurait déjà été explorée (ex: DOE 2004 et 2008), mais controler la réaction au point de rendre possible un départ/arrêt instantanné n’aurait pas été reussi, notamment en raison

  • de la formation de « passivation layers on magnesium hydride on contact with water ». [je ne suis pas sûr de comprendre, je laisse l’expression originale]
  • l’incapacité pour l’hydrure de magnésium de former des solutions aqueuses métastables, ce qui rend le contrôle de la réaction plus difficile.

L’addition de certains sels métalliques à l’hydrure de magnésium permettrait de limiter efficacement la formation de ces « passivation layers » et de stabiliser le produit, qui serait du coup semi-solide et, surtout, stable dans des conditions de températures et de pression ambiantes (ce qui est vraiment l’un des « graal » du stockage d’hydrogène).

Hydrures de magnésium Powerpaste
Hydrures de magnésium Powerpaste. Crédits: IFAM

La Powerpaste est produite à 350°C et à 6 bars, soit des conditions qui semblent assez peu exigeantes.

Notez que le produit était déjà présenté en 2016 (voire 2013).

Utilisation

Le principe est de mélanger la powerpaste MgH2 avec de l’eau dans un réservoir. D’un côté l’hydrogène part vers la pile à combustible, de l’autre le résidu Mg(OH)2 reste au fond du réservoir.

La densité du système et de l’énergie rendrait la technologie intéressante pour les petits véhicules (drones, voitures légères, vélos électriques, etc.). Cela comblerait une faiblesse de la mobilité hydrogène, qui ne semble actuellement pouvoir devenir viable que pour la mobilité lourde (camions, trains, bâteaux …).

Powerpaste : une révolution du stockage de l’H2 ?

Nous avons vu le principe de ce pâte d’hydrures de magnésium, mais est-ce que cette Powerpaste sera réellement viable pour le stockage du dihydrogène ?

Rq: je reprends directement les informations prodiguées par l’IFAM dans son livre blanc.

Un stockage dense d’hydrogène

Cette pâte aurait une densité par unité de masse de 10% (= on peut stocker 1kg d’hydrogène dans 10kg de Powerpaste), soit 25% plus que celle de l’hydrure de magnésium (7.9%), notamment utilisée par McPhy.

La densité énergétique serait, elle, de 1.6 kWh/kg ou 1.9 kWh/litre, ce qui correspondrait à 10 fois la capacité des batteries lithium-ion.

Un mode de stockage bon marché

La Powerpaste aurait un coût de production estimé à environ 2€/kg.

Cela pourrait-il la rendre compétitive avec l’essence / diesel, qui tourne autour de 1.4-1.6€/ litre ?

Stocker l’hydrogène durablement avec Powerpaste ?

L’un des grands atouts de l’hydrogène sur les batteries est l’absence (pour la compression et les hydrures) relative de pertes sur la durée. Vous pouvez conserver cette énergie longtemps !

Contrairement à d’autres solutions, comme les hydrures NaBH4 (qui seraient aussi plus chères, 15€/kg), l’hydrure de magnésium n’est pas toxique. Ses déchets sont faciles à gérer et à recycler.

Enfin, la pâte aurait une longue durée de vie: jusque 5 ans.

L’hydrure de magnésium Powerpaste serait donc un mode de stockage durable d’hydrogène à plusieurs égards.

Réserves

Nous n’avons pas d’information sur le mode de production de la Powerpaste. Combien d’énergie faut-il ? Quelles infrastructures ?

Il y a plusieurs points de leur livre blanc qui m’interrogent. Tout d’abord, ils estiment la densité énergétique du diesel à 1kWh/litre. Or, cela semble plutôt être de l’ordre de 10

Dans le même registre, ils écrivent :

  • « This is a specific energy of 1.6 kWh per kg and energy density of 1.9 kWh per liter, or about 10 times the capacity of Li-ion batteries.« 
  • « According to our calculations, lightweight power supplies can be built with about three times the specific energy of lithium-ion batteries at the system level« 

Cela signifie-t-il que la Powerpaste aurait une densité énergétique 3 ou 10 fois supérieure aux batteries ? Or, les voitures à batteries ont déjà des autonomies respectables (>400km). Du coup leur système permettrait-il 10 fois ou même 3 fois cela ? Je suis assez dubitatif.

Ensuite, n’étant pas expert, il est très possible que j’aie mal compris quelque chose.

Source : Livre blanc de l’IFAM sur la Powerpaste

Notez qu’une usine pouvant produire 4 tonnes de powerpaste est en construction à l’IFAM et devrait entrer en service cette année.


Pour aller plus loin

Cet article fait partie de notre dossier “Hydrogène, autonomie et transition énergétique“.

  • DOE Hydrogen program, FY 2008 Annual Progress Report, IV.B.3 Chemical Hydride Slurry for Hydrogen Production and Storage
  • DOE Hydrogen program, FY 2004 Annual Progress Report, III.B.3 Chemical Hydride Slurry for Hydrogen Production and Storage

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PowerPaste – Hydrogen supply without infrastructure